MOSAIQUES EN PARURE
Le couronnement de Vénus
Le projet Mosaïques en parure
La mosaïque
Les bijoux
Fictions
Le projet Mosaïques en parure
Le Conseil international des musées (ICOM) définit le musée comme « une institution permanente, sans
but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, et qui fait des
recherches concernant les témoins matériels de l’homme et de son environnement, acquiert ceux-là,
les conserve, les communique et notamment les expose à des fins d’études, d’éducation et de
délectation ». Nous partons du plaisir que procure le musée pour instaurer un nouveau rapport aux
objets. Les mosaïques romaines sont une des grandes richesses de la Tunisie.
Comment allez au-delà de l’intérêt patrimonial pour atteindre à ce que Jean Davallon énonce ainsi :
« l'exposition commence là où l'objet, destiné à être vu par le public, se présente à lui pour lui
procurer du plaisir et lui tenir un discours » (DAVALLON, Jean (dir). Claquemurer pour ainsi dire
tout l'univers. Paris : Centre de création industrielle, Centre Georges Pompidou, 1986).
Le QR Code est un des dispositifs possibles pour transmettre le projet de réactualisation Mosaïques
en parure. Il peut être installé dans l’enceinte du musée ou en dehors de l’institution. Il est une
invitation au public à voir les œuvres dans les musées mais aussi à découvrir ces mosaïques avec une
vision et une approche différente. Le dispositif permet la rencontre d'un objet de musée à travers
une autre vision et une relation plus ludique.
Ce projet est un essai de réactualisation des mosaïques romaines de Tunisie. Nous avons réalisé un
travail d’interprétation et de restitution des bijoux représentés sur les mosaïques romaines de
Tunisie. Au cours de l’inventaire effectué sur les mosaïques de Tunisie, nous avons recensé 110
pavements de mosaïque comportant des représentations de bijoux.
Nous ne présentons ici qu’un échantillon de trois mosaïques avec des incrustations de bijoux
modélisés en 3D. Ce projet vise à rendre actuel la perception d’un objet du passé dans le présent.
Mosaïque marine : Couronnement de Vénus
• Lieu et contexte de la découverte :
Ellès. A 12 km de Mactar.
Lieu de conservation :
Musée du Bardo : Inv. 3650. Salle Ulysse.
• Dimensions :
Rectangle de 4.70 m de large sur 3.40 m de long.
• Chronologie :
Début du IVe s. apr. J.-C.
• Description :
La mosaïque, encadrée de douze médaillons de couronnes végétales, représente au centre la scène
du couronnement de Vénus.
La déesse Vénus est entourée de deux centauresses. Elle est représentée debout, de face, le pied
légèrement plié, le corps entièrement nu sinon une draperie foncée attachée à son cou. Les
cheveux foncés, relevés en chignon sont rehaussés par un diadème en demi-lune.
La main droite levée tient une fleur, l’autre est posée sur sa taille. Elle porte autour du cou
un collier court composé de deux rangées de tesselles rouges cernant une rangée de tesselles
dorées et un pendentif accroché au milieu.
Elle porte aussi de longues boucles d’oreilles qui semblent être
en or. Elles sont composées d’un rectangle serti d’une grande pierre précieuse accrochée au lobe
et à laquelle est suspendu un chaînon se terminant par une autre pierre précieuse.
Les deux centauresses sont présentées le buste de trois quarts. Leurs cheveux sont séparés d’une
raie médiane et attachés en chignon. Chacune tient l’extrémité d’une guirlande de fleurs passée
au-dessus de leur tête. De l‘autre main, elles tiennent au-dessus de la tête de la déesse une
couronne orfévrée, ornée de cabochons de formes carré et circulaire. .
La centauresse de droite, aux cheveux blonds relevés en chignon, porte un collier à deux rangées
de tesselles de couleur rouge foncé entourant une autre rangée dorée avec un pendentif au
milieu.
Des boucles pendent de ses oreilles avec un anneau circulaire auquel est accrochée une
chaine de pierres enfilées et au bout une grande pierre de couleur bleu acidulé cernée de noir,
probablement une émeraude. La seonde centauresse, à gauche, est partiellement endommagée, il
n’en subsiste que le haut de la tête qui laisse apparaitre un collier de perles entourant son
chignon. Un petit fragment du collier encore visible laisse supposer qu’il était probablement
identique à celui de la centauresse de droite.
Les bijoux
Les ornements remontent à des temps très anciens et les découvertes archéologiques témoignent de
ce penchant des êtres humains à la parure corporel. En effet, les bijoux ne sont pas
insignifiants, ils sont des objets de communication, ils font partie du paraitre et de la
perception.
Les bijoux sont le prolongement du corps nu. Car, un corps paré, attire et éblouit.
Les parures sont des signes qui transmettent des discours sur le corps, sur le personnage, sur
la place sociale, sur l’identité, l’appartenance, le statut… Les bijoux jouent un rôle
d’interface avec l’extérieur, sorte de message qui cherche le regard de l’autre.
Nous nous intéressons dans ce travail aux bijoux de l’époque romaine qui sont le fruit d’un
brassage de plusieurs cultures. C’est un art composite qui a adopté plusieurs formes mais qui a
pu développer ses propres spécificités, tel que le style polychrome qui a connu un essor à
l’époque romaine grâce aux pierres précieuses qui ont favorisé son succès.
L’échantillon présenté de bijoux restitués de la mosaïque romaine de Tunisie Le couronnement de
Vénus se compose d’une parure composé d’un collier et de boucles d’oreilles.
Le bijou de la néréide de Carthage
Les bijoux du couronnement de Vénus par deux centauresses
Restitution du collier de Vénus
Un collier court en or à maillons tressés avec un pendentif au milieu serti d’un grenat.
Détail du collier avec le pendentif
Le collier incrusté autour du cou de Vénus
Les boucles d’oreilles de Vénus
Pendants d’oreilles en or, grenat, perle et saphir transparent
Une boucle d’oreille incrustée sur le portrait de Vénus
Fiction
Dans un grand appartement au plan symétrique dont seule l’entrée est unique, des jeunes
rentraient d’une soirée en boite de nuit. Il était tôt, ils avaient dansé longtemps et
traversaient maintenant le grand couloir qui tranche l’espace et conduit à l’immense pièce
principale, où de confortables canapés allaient délasser leurs jambes. Dans la pièce composée
comme un loft il y avait deux mezzanines aux extrémités sud, sous lesquelles d’un côté une
grande cuisine avec bar, de l’autre un coin aménagé pour regarder la télévision.
Aux deux angles opposés tout au fond de l’appartement, il y avait à droite un coin composé d’une
table basse, de livres de table basse, d’un canapé, de fauteuils, etc. De l’autre, une estrade à
deux marches sur laquelle un socle élevait un visage de femme. C’était une sculpture blanche,
moulage d’un modèle antique sans doute, dont seules les oreilles dénotaient en ce qu’elles
étaient continuées d’une matière colorée.
A un mètre environ du mur elle avait les yeux dans la diagonale de la pièce, scindant le carré
en deux triangles par la seule force de son regard vide. Les jeunes personnes s’installèrent,
rirent mollement dans leur conversation, fatigués et un peu ivres.
Une fille se promenait dans
la pièce assez grande pour y flâner, s’approchant aléatoirement des sculptures et peintures
disséminées çà et là. Elle monta les petites marches de l’estrade pour s’approcher de la figure
féminine, et sur le bois peint en blanc la semelle de ses chaussures s’imprima. Occupés à des
jeux de séduction ses camarades ne remarquèrent pas son mouvement. Surtout pas la fille des
propriétaires qui le regard plongé dans celui d’un garçon n’avait que faire de la dernière
acquisition de ses parents.
La jeune regardeuse admirait les bijoux plantés dans les oreilles de la sculpture en plâtre. Le
matériau friable avait été percé sans éclat, la surface était lisse et le dessin parfait. Les
tiges crochetées liant le corps sculpté à la forme du bijou comblaient presque totalement les
percées. Les boucles tombaient comme des tumeurs, du lobe en plâtre à la perle blanche, avec
entre eux un carré de pierre verte encadré de métal doré. La lumière artificielle projetait sur
la blancheur du matériau de légères ombres portées du bijou mêlé à la main de la jeune fille qui
le frôlait. Et la caresse du bout des doigts, prise de court par un déséquilibre du corps
provoqua un soubresaut qui percuta le visage sculpté. Celui-ci vibra lentement et roula jusqu’à
l’extrémité de la surface plane du socle. Consternée, la jeune fille n’eut aucun réflexe et se
fit spectatrice de la chute sur l’estrade et au sol. Des éclats parsemèrent les atterrissages,
une boucle et un lobe restés solidaires dans leur délitage reposaient sur l’une des traces de
ses chaussures.
Prenant conscience de l’hécatombe, la jeune fille leva des yeux fatigués vers ses camarades dont
les visages scrutaient sa direction. Sa main fautive cachée dans son dos en poing tendu serrait
quelque chose : c’était le deuxième bijou encastré lui aussi dans son lobe. Le visage
dramatiquement brisé sur lit de poudre blanche avait perdu tout ornement. Elle dit au milieu du
silence lourd qui pesait dans l’immense pièce : « Les bijoux ont toujours leurs lobes ». Elle
ouvrit son poing et montra le fragment aux témoins. Droite sur l’estrade, un bras ballant et
l’autre en présentation, la malheureuse n’était que sueurs froides et la scène fut si longue que
la lumière de fin de crépuscule se transforma en jour total.